“La place est libre ?” entend-elle. Cette phrase la tire de ses pensées.
Une femme essoufflée et transpirante se tient dans le couloir, un gros bagage à la main.
Laconique, elle acquiesce d’un mouvement de tête sans un mot, puis reprend le cours de sa rêverie.
La femme part rejoindre son fils et sa belle fille, installés en ville, elle-même préfère la campagne. Et les trains sont tellement chers ! Et les jeunes deux sièges plus loin parlent trop fort, de toute façon cette génération n’a plus aucun respect.
“Comme celui de respecter mon silence” pense la voyageuse forcée de cohabiter avec elle. Mais elle n’écoute plus. Ses yeux sont perdus dans le paysage : elle regarde les champs, les villages, le ciel.
Parfois elle voit des personnes, un homme agacé par son chien fou courant dans les prés, une femme à vélo oppressée par les voitures attendant à côté d’elle, un enfant qui s’amuse à faire des grimaces aux voyageurs éphémères. Elle aime imaginer leur histoire, qui ils sont. Elle leur donne un nom, une famille, un travail : une vie.
Les minutes puis les heures passent. Le paysage défile continuellement, l’inconnue parle toujours, et l’esprit se lasse.
Quelques pensées pour les inconnus, pour ses proches, pour l’environnement qu’elle quitte et celui qu’elle va trouver et ses yeux se ferment.
Sa conscience s’échappe, elle ne remarque même pas que sa tête s’est posée sur l’épaule de la bavarde.