Le coup de la panne

Il fait nuit. La soirée a été bonne et nous rentrons gaiement. Nous parlons de tout, de rien. Philosophes du dimanche, comiques du samedi, nous savourons ce moment en tête à tête. Notre chanson passe : nous chantons comme des fous. La circulation est d’autant plus fluide que l’on se rapproche de notre village.

L’ivresse du moment t’a fait-il oublier de vérifier ta jauge d’essence ? Ou était-ce prémédité ?

Quoi qu’il en soit nous voici, toi et moi, seuls au bord de la route. Je te chambre, nous plaisantons un moment sur la situation cocasse… et clichée.

– Tu veux vivre le cliché jusqu’au bout ? me défie-t-il.

A son regard sur mes jambes, cela ne fait pas de doute : ce n’est pas pour plaisanter cette fois. Qu’à cela ne tienne, j’ai une envie irrésistible de me faire désirer.

Je prétexte tout : le passage potentiel d’une voiture, le froid, la proximité avec notre domicile, jusqu’à une envie pressante. Ses yeux rejettent toutes mes objections, une à une. Sa bouche aussi. Grisante. Aventurière. De mes lèvres à mon cou. De mon cou à mon épaule. De mon épaule à ma poitrine, apparente. Il a gagné.

Le froid a fait durcir mes tétons. Pas que le froid en fait… Il dégage mes seins du décolleté et les embrasse avec un plaisir qui se fait vite sentir. Ou voir. Sa langue me fait frissonner. Ses mains descendent pour soulever ma robe. Il découvre que je lui ai fait la surprise de ne pas mettre de sous-vêtements. Son érection est à son paroxysme. Il doit libérer le membre qui ne peut plus supporter la pression du jean. Je le touche, de mes mains froides. Il frissonne de plaisir.

Cependant il ne veut pas être égoïste. Ses doigts se fraient un chemin sur moi. Dans moi. Je gémis faiblement. Il me demande, au creux de l’oreille, si je me souviens de mon fantasme. Bien sûr que je m’en souviens. L’idée même m’humidifie comme jamais.

Je le laisse alors prendre les rênes, dans un soupir. J’adore ça. Je sais qu’il est totalement dévoué à mon plaisir, à mon désir.

Le capot est froid. Mes seins vont laisser une marque sur le givre qui commence à apparaitre. Sa main posée sur ma nuque est ferme. Tellement ferme que j’attends avec impatience ce qui va se passer. Car je le sais. Cette fermeté augure une puissante sauvagerie. Celle que j’aime. Celle qui me fait tourner la tête à ne plus pouvoir reprendre mon souffle.

J’attends. Il joue à me faire languir, caressant mes fesses. Je les dandine justement pour lui signifier que je suis impatiente. Je le devine sourire. Nous ne parlons pas. Jamais. Nos corps parlent pour nous. Je n’ai pas le temps de finir cette réflexion que je sens son sexe entrer vigoureusement en moi. D’un coup de reins, il entre totalement. De surprise et de plaisir, je ne peux réprimer un gémissement. Sa main se raffermit sur moi et me plaque plus fortement sur le capot refroidi. Ma joue est en contact avec le métal. Il est froid. Mais c’est encore meilleur.

Il commence à aller et venir, plus doucement. De sa main libre, il fouette mes fesses avec d’autant plus de puissance qu’il accélère. Je ne peux plus réfléchir. Ma tête tourne. Le plaisir prend le dessus.

Une voiture passe, tous phares allumés. Je n’ai même pas la tête à espérer qu’il ne s’agisse pas d’un voisin, trop occupée à retenir mes gémissements. Cela devient difficile, il le sent. Et il a décidé de jouer avec moi aujourd’hui : il cesse de me fesser. A peine ai-je eu le temps de regretter cette interruption qu’il introduit un doigt en moi. La réaction est immédiate : je ne peux contrôler mes tremblements et mes pieds glissants m’emportent dans un orgasme où je m’abandonne pleinement. Heureusement que la main sur ma nuque m’a empêché de tomber à terre. Je mets plusieurs secondes à reprendre mes esprits avant d’être en capacité de me tenir debout.

Il m’embrasse.

– Ce gilet jaune te va à ravir.

Je vois et ne vois rien

J’ai des tendances agoraphobes.

Pourtant, en ville, rien n’y paraît. Pourquoi ?

Je ne vois pas les gens. Je ne vois pas la foule. Je l’occulte complètement de ma réalité.

Je déambule, marche tranquillement en admirant les façades. Ondoyant le bassin pour éviter quelque chose. Pour me faire une place. Tête légère qui ne voit rien. Œillères salvatrices de mon état mental.

J’entends du bruit : des voitures, des conversations téléphoniques, des scènes de ménage ou des musiques sur le haut parleur du téléphone. Impossible d’identifier leur provenance.

Je ris parfois en pensant au piètre témoin oculaire que je ferais en cas de délit.

Une main se pose sur mon épaule, me demandant de me décaler. À qui appartenait-elle ? Même sous la torture je ne pourrais vous répondre. Homme ou femme ? Jeune ou vieux ? Une main. Une main dont la sensation s’est envolée immédiatement après qu’elle ait quitté ma chair.

Je vois qu’il y a des humains. Mais je ne les vois pas.

Le réveil

Les lourds rideaux donnent encore l’illusion de la nuit, elle dort. D’un sommeil doux et paisible, sa respiration est lente.

Sur la pointe des pieds, il entre. Le lit est chaud. Trop moelleux à son goût mais ELLE y est.

Couché à côté d’elle, il la regarde dormir, la trouve belle dans son sommeil. Innocente. Il a envie d’elle, d’une caresse sur sa peau, de ses baisers.

Alors il se lance. Une main sur ses côtes, il touche ce corps aimé, caresse du bout des doigts son flanc, son ventre, ses seins, ses épaules.

Un grognement lui indique qu’elle se réveille. Elle est si drôle quand elle se réveille. Cette mine renfrognée, ces cheveux en bataille. Il aime même cette facette d’elle : pas du matin.

Elle s’étire doucement, grogne, gémit pour finalement ouvrir les yeux. De sa voix endormie, elle lui murmure une salutation. Il sourit. L’embrasse.

Ses gestes reprennent. Flanc, ventre, seins,… La litanie continue. Minute après minute, au fur et à mesure de son réveil, elle se montre plus réceptive. Elle se cambre pour recevoir ses caresses, se retourne. Il sourit encore, sait ce qu’elle veut. Prestement, la main caresse les fesses douces. Un frisson la parcourt, celui du premier contact. Elle sourit. Ses fesses se dandinent.

La main se montre plus entreprenante et, d’un geste leste, se crée un passage jusqu’à son sexe.

Les caresses, du bout des doigts, sont appréciées. Il prend son temps. Joue avec elle. Il sent qu’elle est pleine d’impatience : il ralenti.

Elle décide de se retourner, rapidement, pour saisir le membre demandé. Il l’arrête dans son geste pour la plaquer sur le lit, sur le dos, jambes entrouvertes.

Elle a froid, sa couette a disparu. D’une main timide, elle la recherche. Il n’est pas de cet avis : des liens sont installés sur les bords du lit, il décide de l’obliger à rester tranquille.

Une fois captive, il l’embrasse. Ses lèvres descendent. Appuient tour à tour menton, cou, seins, ventre,… Elle a compris. Elle sourit.

Une bouche avide s’est arrêtée sur son sexe, elle gémit. Les gestes experts sont rapidement rejoins par une main qui ne l’est pas moins. Un doigt. Elle frissonne. Deux. Il la sent se resserrer de plaisir.

Rapidement elle perd pied : respiration si rapide, spasmes légers, il sait qu’il va gagner. Il accélère, la main restante pressant sur son pubis. Elle a du mal à reprendre son souffle. Son corps se soulève. Il y est presque. Encore un peu… Puis l’explosion : bouche ouverte dans un cri silencieux, son corps est en proie à de violentes convulsions. Cela ne l’arrête pourtant pas. Il continue jusqu’à ce que sa belle, qui a repris le contrôle de ses mouvements, le supplie d’arrêter.

Il s’arrête, sourit, se relève pour l’embrasser. Et lui murmurer “Tu as perdu”.

L’inconnue du train

“La place est libre ?” entend-elle. Cette phrase la tire de ses pensées.

Une femme essoufflée et transpirante se tient dans le couloir, un gros bagage à la main.

Laconique, elle acquiesce d’un mouvement de tête sans un mot, puis reprend le cours de sa rêverie.

La femme part rejoindre son fils et sa belle fille, installés en ville, elle-même préfère la campagne. Et les trains sont tellement chers ! Et les jeunes deux sièges plus loin parlent trop fort, de toute façon cette génération n’a plus aucun respect.

“Comme celui de respecter mon silence” pense la voyageuse forcée de cohabiter avec elle. Mais elle n’écoute plus. Ses yeux sont perdus dans le paysage : elle regarde les champs, les villages, le ciel.

Parfois elle voit des personnes, un homme agacé par son chien fou courant dans les prés, une femme à vélo oppressée par les voitures attendant à côté d’elle, un enfant qui s’amuse à faire des grimaces aux voyageurs éphémères. Elle aime imaginer leur histoire, qui ils sont. Elle leur donne un nom, une famille, un travail : une vie.

Les minutes puis les heures passent. Le paysage défile continuellement, l’inconnue parle toujours, et l’esprit se lasse.

Quelques pensées pour les inconnus, pour ses proches, pour l’environnement qu’elle quitte et celui qu’elle va trouver et ses yeux se ferment.

Sa conscience s’échappe, elle ne remarque même pas que sa tête s’est posée sur l’épaule de la bavarde.

La faute à Netflix

Deux corps nus devant la télévision, pressés l’un contre l’autre. Pourtant aucune lueur dans leur yeux : ils sont rivés sur les images qui défilent.

Pas un mot, pas un regard l’un pour l’autre. La caresse est mécanique, automatique, une main posée sur l’autre.

Est ce que le programme est intéressant ? Sans plus. Ils ont pourtant le besoin de s’occuper l’esprit, de ne plus penser à rien durant quelques heures, zombies sans cerveau qui ne songent qu’à ne plus avoir à penser.

Ont-ils faim ? Ont-ils soif ? Ils n’en savent rien. Tout devient mécanique, un prétexte pour occuper ses mains.

Parfois, l’un se lève pour satisfaire ses besoins naturels puis revient, avec un mot ou en silence. Tout est normal.

Pourtant ça ne devrait pas l’être.

Le programme est fini, l’un s’avance pour déclencher la suite. Mais l’autre arrête son geste :

“Ce soir, on programme une soirée rien qu’entre nous ?”

Histoire du soir

Elle l’attendait. 19h. Il ne devrait plus tarder.

À la fois fébrile et impatiente, elle attendait, assise sur le lit. Elle avait choisi une tenue simple qu’en apparence. Quelle sensation que d’être la seule à savoir ce que cache ce t-shirt et cette jupe stricte.

Elle entend des pas. Elle sait que c’est lui. Elle sourit et pourtant elle a peur.

Des coups sur la porte, elle ouvre. Il sort du travail, ses traits sont fatigués, pourtant il ne semble pas vouloir dormir.

Elle lui propose un thé, laissé généreusement par l’hôtel mais il garde les yeux dans le vide, il a l’esprit ailleurs. « Déshabille toi ».

Elle le regarde, et dans un sourire qu’elle veut rempli de malice, ôte son T-shirt d’un geste brusque. Ses yeux sont pourtant timides lorsqu’elle croise les siens, posés sur son soutien-gorge bustier. Ravalant sa salive, bravant son regard, elle fait glisser la fermeture de sa jupe. Le tissu tombe à ses pieds, dévoilant ses bas retenus par un mince porte-jartelle en dentelle.

Il semble apprécier ce qu’il voit, mais n’en dit mot. Seul ses yeux le trahissent. Le regard d’un enfant, qui se change soudainement : il regarde le sac qu’il a apporté avec lui. Il souri. Il sait quoi faire.

« Apporte mon sac ». Elle s’exécute. L’ouvre sous ses ordres. Son contenu la laisse dubitative. Elle appréhende l’utilisation qui en sera faite.

Pourtant, elle obéit. S’assoit sur le lit pendant qu’il pose minutieusement ses outils sur le bureau.

Le premier, elle le connaît. L’apprécie. Il lui permet de mieux ressentir, de respirer avec elle-même : il lui dépose le bandeau sur les yeux. Elle ne voit plus. Il faut maintenant se servir de ses autres sens.

L’odorat notamment lui permet de deviner la suite : elle connaît cette odeur. Forte. Animale.

C’est docilement qu’elle le laisse passer ses cordes autour de ses poignets, de ses jambes,… jusqu’à ce que son corps soit totalement à la merci de son « bourreau » du jour.

« Enfin les choses sérieuses commencent » se surprend-elle à penser. Que lui arrive t-il ? Sa peur s’est envolée. Elle a envie. Cette découverte la laisse surprise. Pourtant elle le sait. Elle le veut. Cela ne lui ressemble pas. Pourquoi avoir accepté ? Pourquoi voulait-elle le rencontrer ? Elle le veut mais quelque part, la petite fille sage qui est en elle lui rappelle les convenances. Au diable les convenances.

Une voix la tire de sa rêverie. C’est lui. Le timbre de sa voix a changé. Il a les cartes en main, maintenant.

Sous ses ordres elle s’agenouille sur cette moquette, combien de femmes ont fait pareil avant elle ?

Il lui ordonne de la prendre… mais où est-elle ? Elle ouvre la bouche, espérant qu’il l’aide. Elle sent qu’il l’a posée contre sa lèvre inférieure. Elle essaie de l’attraper, elle avait oublié que ses mains étaient prisonnières de son dos.

Impossible de perdre la face. Elle ne s’avouera pas vaincue si facilement. D’un geste qu’elle espérait sensuel, elle se recule légèrement pour y déposer un baiser. L’objet y semble sensible. Elle recommence. Doucement. Légèrement. Baiser après baiser, douceur après douceur, l’objet s’agite. Lentement. Le sang afflue.

Il s’impatiente. Elle décide d’obéir. Feintant un dernier baiser, elle ouvre la bouche pour l’enrober de ses lèvres.

Toujours doucement, elle avance sa tête. Puis la recule. Elle continue ce mouvement, se régalant de l’impatience qu’elle lit dans ses soupirs.

« Plus vite » gronde t-il. « Non » se dit-elle. Elle veut le sentir à bout. Jouer avec ses nerfs et sa patience.

Alors elle poursuit, de ce rythme agaçant. Combien de temps va-t-il encore tenir ? Pas longtemps. Une main attrape ses cheveux, l’obligeant à se soumettre.

Pourtant, intérieurement, elle sourit. Elle a gagné, il est à sa merci.

Un liquide chaud l’empêche de poursuivre le cours de ses pensées : il se déverse dans sa bouche dans un râle conquérant.

Elle déglutit fièrement, poussant même le vice jusqu’à nettoyer l’arme du crime du bout de sa langue. Une fois qu’elle le sent propre, elle sourit.

« Ne souris pas trop, tu vas voir ce qu’il en coûte de jouer avec moi »

Elle a hâte.

La soirée est loin d’être finie.